Du mercredi 5 au dimanche 16 octobre 2016, la Galerie du Génie de la Bastille accueille l’exposition « TRAVERSÉE » de l’artiste Magali Léonard.
En terre colorée
En ligne continue
Perspective saisie dans sa durée : Telle serait « TRAVERSÉE »
Vernissage le samedi 8 octobre
» Mes traversées sont issues d’un parcours effectué en train de Chicago à San Francisco. Ce fut un trajet sans arrêt d’un bout à l’autre, d’Est en Ouest du continent américain. J’ai donc suivi cette immense étendue, ancrée à une fenêtre mobile.
Ce fut une façon de vivre en continuité un espace immense dans une sorte d’engagement lent prise dans l’ action de traverser. Ce glissement du plan spatial au plan temporal, je le cherche aussi dans ce nouveau cycle de mes peintures que je nomme TRAVERSÉE.Au delà de ce que j’ai vu
Au delà de ces fabuleux paysages
Au delà de la façon dont la nature nous saisit de ses qualités sensibles ; je ne fixe pas de représentation, ne pose pas de description.
Qu’est ce qui nous meut ? Nous fait-bouger ? Nous entraîne ou nous pousse ?
Là où l’espace dépasse l’entendement, là où on ne mesure pas, là où tout se modifie sans cesse je situe ma peinture.
Pas de formes fixes dans mes couleurs prises en flux mouvants, le “flottage” des limites y devient possible. L’eau y excède, tout attend et pousse les pigments : la matière inerte prend vie.
Quelque chose se développe et mes pans se donnent en un ensemble continu.
Avec quelle saisie ? Quelle liaison ? Ils se combinent, se complètent .
Cette expression de Monet me parle “un tout sans fin comme un horizon sans rivage”. Rien d’une métaphore, tout d’une respiration, d’un souffle. Surtout ouvrir sur une vibration mes espaces dans un processus de lumière.
Quelque chose se passe, quelque chose surgit, une intuition peut-être… Et la pensée émerge non en concept plutôt en ressenti.
Mes “ Traversées ” seraient peut-être là où la réalité excède la conscience comme Merleau Ponty le montre dans le visible et l’invisible, quand la conscience ne peut pas reconstituer la réalité, quand on se fond dans l’univers alors peut-être, au delà de ce que l’on voit à la surface des choses pour parfois aller dans la profondeur qu’est le regard.
Ou comme s’il ne s’agissait plus de surfaces, de plans, d’horizons, d’espaces traversés mais d’un monde feuilleté non historique, non linéaire, où le présent peut disparaitre à chaque instant dans le futur et s’immerger dans le passé.
En apportant du poétique: “ Il y aura toujours l’eau le vent la lumière.
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant ”, dit Aragon.
A l’acceuil de toutes nos Traversées dans des espaces ouverts pour que les choses puissent toujours advenir… «
Magali Leonard, Août 2016
Traduction du texte de S.GREBEN issue du catalogue de l’exposition « Traversées » / « Crossing » à la Galerie Wickiser, 11ème avenue, Chelsea, NY en décembre 2017
Les artistes ont longtemps trouvé en la fenêtre un motif captivant- comme barrière ou ouverture sur la réalité ou sur le monde extèrieur. Pas seulement pour ses associations symboliques mais aussi pour ses propriétés formelles, la fenêtre a été adoptée par les peintres de Johannes Vermeer à David Hockney comme un dispositif efficace de composition qui étend le domaine de l’image. La peintre française Magali Leonard utilise ce vieil outil dans sa série des “ traversées”. Son approche diffère cependant dans le fait que la vision qu’elle dépeint à travers l’ouverture n’est pas une image statique mais qui se déplace. Ces dynamiques et lumineuses peintures acryliques se déroulent, issue de l’expérience visuelle continue de Leonard depuis la fenêtre d’un train qui permet d’aller vers l’ouest de Chicago à San Francisco.
Par l’élan de sa pratique Leonard dans ses séries fait coïncider son attachement à explorer les relations – de “traverser ” – entre espace, lumière et couleur. En faisant cela, ses toiles transmettent une nette sensation de flux — d’apparition et de disparition, d’émergence et d’effacement…entre trait et retraitElles parlent d’abord d’un echo originel et d’apocalyptiques ruines. Comme les aquarelles de Turner ou des rouleaux japonais, elles sont de sublimes visions identifiant le potentiel humain dans la grandeur de la nature et paysages illimités.
On est sur de voir apparaître des images , une topologie dans des formes fondues, renforcées par les ocres terriennes et les tons bleus d’eau. Ce n’est pas dur d’apporter la distinction de vagues écumeuses et saignement du soleil ou d’un roseau élancé et un nuage lourd par des gouttes, des taches et éclaboussures que décrivent les pans de “Crossing 2”. Dans ces peintures, Leonard, envisage la réalité comme abstraction, embrassant les méthodes et la pensée des expressionnistes abstraits. Comme Jackson Pollock , Leonard attaque ses toiles avec la force de tout son corps en les mettant au sol et en les travaillant sur les 4 cotés , non lié à un seul point de vue et engagé par conséquence dans un traitement all-over de la surface.
Mais au sein de cette approche abstraite , c’est avec les peintres du Color- Field qu’elle partage la plus grande affinité, pas seulement à travers sa fusion de figure et de la terre mais par sa technique qu’elle met en acte pour peindre ses toiles. En versant et en diluant parfois ses pigments, Leonard crée des voiles de couleur comme si elle faisait bouger l’espace, en alternance opaque ou transparent, les laissant tremper et s’imprégner au travers de la toile. Les densités différentes dont résultent d’intrinsèques variations de couleurs et matière insufflent une image avec grande vitalité. Pendant que dans “Crossing 1” l’énergie est proche de l’explosion, suggérant des jets d’eau allant s’écraser contre des rocs, . L’ envahissante atmosphère dans ces travaux est plus sereine, l’éphémère , comme dans un rêve, évoqué par des formes flottantes et nuancées. En présentant ses peintures en jonction de pans alignés, Leonard renforce le sens de la continuité spatiale.
La vue au travers de la fenêtre, maintenant en mouvement ne restreint pas , transforme la grandeur physique en une grandeur spirituelle.