Du 16 au 28 février 2021, la Galerie du Génie accueille l’exposition intitulée « Extinction » de Camille Ricard.
Ayant grandi dans une famille d’artistes peintres, Camille Ricard pratique la peinture acrylique depuis toujours. Elle revendique s’inspirer du sculpteur animalier Rembrandt Bugatti et est influencée par des peintres du street art comme Benoit Vinadelle qui s’exprime par des fresques d’animaux sauvages. Tout en adoptant une démarche empirique, par son enthousiasme et par sa spontanéité, elle crée des portraits d’animaux prestigieux en voie d’extinction. Elle récupère aussi des idées et des éléments puisés dans la sémiotique visuelle de l’art décoratif des années 30, que l’on trouve dans la création du peintre animalier Paul Jouve, spécialisé dans la représentation de l’âme des animaux.
L’idée de réaliser à la peinture acrylique la série de portraits animaliers « Extinction » lui est venue après le visionnage du documentaire « Notre Planète », et plus particulièrement d’une scène montrant des morses tombant des falaises à cause de la raréfaction de la banquise. Profondément bouleversée par cette tragédie, elle s’investit dans ce projet de création pour nous faire prendre conscience de la fragilité et de la vulnérabilité de certaines espèces. Différemment de la plupart des peintures animalières qui représentent en entier les animaux pour bien nous les montrer, elle choisit de ne représenter que la tête des animaux vue de face, pour donner l’impression que par leur regard ils interpellent le spectateur.
Les animaux de ses peintures sont personnifiés par les traits de leur visage qui s’harmonisent avec les couleurs et les motifs du fond. Dans la peinture Aigle des Philippines, l’artiste exacerbe son aspect vif et intrépide en utilisant la couleur jaune, vert et noir pour ses grands yeux. Ces trois couleurs apparaissent également sur les motifs du fond faisant écho avec ses yeux.
Les têtes d’animaux sont décontextualisées par un ornement stylisé composé de trois à cinq couleurs provoquant ainsi un impact visuel. Elles sont entourées par un fond de tendance exotique, qui fait penser à certains motifs floraux et géométriques propres aux estampes japonaises. Le tondo représente une forme de perfection idéale souvent utilisée pour des sujets mythologiques ou allégoriques. Dans ses tondos contemporains elle établit une sorte de protocole visuel qui fusionne l’illustration iconique des années 30 avec l’aspect brut du street art.
La peinture animalière est le genre pictural le plus ancien, il date de la préhistoire (la grotte Chauvet, la grotte Lascaux…). Il y a quarante-mille ans, l’homme représentait déjà ses proies issues de la chasse ainsi que les animaux qui lui paraissaient fascinants et dangereux. C’est un acte rituel qui révèle leur croyance à pouvoir communiquer avec les esprits de la nature, afin de dominer les animaux qu’ils chassent ou qu’ils craignent.
Aujourd’hui l’homme pratique toujours la chasse des animaux sauvages, parfois pour les exhiber dans des cirques ou sur des places publiques, mais aussi pour en récupérer des parties comme objets décoratifs précieux (fourrures d’ours, têtes de lion empaillées comme un trophée de chasse…) ou comme produit à effets miraculeux issus de croyances archaïques (poudre de corne de rhinocéros, écailles de pangolin, etc.).
Girafe, grand koudou, panda, tigre blanc, panthère noire, aigle des Philippines, Orang-outan, rhinocéros, ours blanc, lion, éléphant, gorille, panthère des neiges, koala, ils sont tous en voie de disparition silencieusement dans des pays lointains, ils doivent être protégés ! Dans ses peintures, Camille les représente doux et bienveillants, dépourvus d’agressivité car fragilisés par la dégradation de leur environnement naturel.
Ce travail artistique s’inscrit de manière militante dans une perspective de prise de conscience de l’urgence de la préservation de notre planète.
Lou XU
« C’est l’actualité qui stimule ma créativité.
La disparition des espèces est une tragédie qui me bouleverse.
Mon travail a une dimension politique car il cherche à mettre en avant ce que nous ne voulons pas voir, ce qui nous dérange.
Tous ces animaux sublimes nous fixent et nous ne pouvons que les regarder et s’interroger sur leur avenir.
La déforestation, le braconnage, les cultures intensives détruisent l’habitat naturel de ces espèces menacées un peu plus chaque jour.
La force intrinsèque de cette œuvre réside dans le fait qu’il y ait plusieurs toiles qui doivent être vues ensemble.
C’est la multitude qui en fait sa puissance.
L’Art peut changer le monde, faire réfléchir et permettre une amorce de changement.
Mes animaux permettront-ils de participer à une prise de conscience nécessaire?Chaque toile fait partie d’un ensemble de plusieurs toiles rondes peintes qui mettent en avant la disparition de certaines espèces animales en voie d’extinction.
L’animal n’est plus qu’une tête sur un fond volontairement décoratif pour accentuer la tragédie.Le spectateur face aux trophées est comme un acteur à part entière de ce drame.
Le trophée renforce l’idée de l’animal asservi à l’ humain qui l’élimine dans le seul but de se glorifier. »
Camille RICARD